Dans le cadre des commémorations nationales et internationales de la Première Guerre mondiale, l’Institut de France et les Académies ont souhaité apporter leur contribution propre à la compréhension d’un conflit devenu planétaire et ont ouvert leur saison 2014-2015 par une séance solennelle de rentrée sur le thème “1914”. Plus de 500 personnes y ont assisté dont près de 100 académiciens. De nombreuses personnalités représentant les plus hautes autorités de l’État et les corps constitués ainsi que plusieurs ambassadeurs étaient également présents à cette séance. Nous vous proposons de découvrir ici à nouveau ces séances.
membre de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques)
Depuis l’origine, tous les ans, le 25 octobre, date de la création de l’Institut de France en 1795, les cinq Académies qui le composent (Académie française, des Inscriptions et Belles-Lettres, des Sciences, des Beaux-Arts, des Sciences morales et politiques) se réunissaient pour leur séance solennelle de rentrée. La Grande Guerre n’interrompit pas cette tradition : ce sont les discours prononcés sous la Coupole du Quai Conti, lors des Rentrées solennelles de 1914 à 1919, qui sont rassemblés ici.
Ces séances sont en fait l’une des rares manifestations communes des cinq Académies, qui sont fort indépendantes les unes des autres. Elles sont introduites par le président de l’Institut de France, élu pour un an (à ne pas confondre avec le Chancelier), qui prononce le discours d’ouverture. Y prennent ensuite la parole les cinq délégués des différentes Académies, désignés par les Bureaux de chacune de ces dernières (les Bureaux étant composés du président de l’Académie en exercice pour un an, du vice-président et du secrétaire perpétuel).
Les rites n’ont pas changé depuis. Mais de nos jours un thème général est fixé pour les Rentrées solennelles. Il n’en allait pas de même à l’époque, chacun des délégués choisissant librement son sujet. Cela dit, les mœurs confraternelles de nos Académies font qu’il est parfaitement possible qu’une concertation informelle ait eu lieu, pour mieux assurer l’équilibre et l’intérêt des Rentrées, ou pour adresser au public un discret message. C’est en tout cas l’impression qui se dégage parfois à la lecture des discours.
La rentrée solennelle du 26 octobre 1914 fut présidée par Paul Appell, qui rappela sa double qualité d’Alsacien et de Strasbourgeois. Il souligna que l’Institut avait tenu à rester à Paris et à y poursuivre ses travaux (ce passage a dû être remarqué par l’auditoire : rappelons que le Gouvernement était parti pour Bordeaux, ce que beaucoup avaient critiqué ; il ne devait rentrer que le 20 décembre).
Lire la suite de l’introduction de M. Georges-Henri Soutou
Fin 1914, ces discours ont été édités une première fois sous le titre La séance historique de l’Institut de France.
La séance publique du 25 octobre 1915 fut davantage inscrite dans la guerre que celle de l’année précédente. Le président de l’Institut, Léon Bonnat, marqua en effet dans son discours sa douloureuse surprise de voir se prolonger un conflit que l’on voyait encore, l’année précédente, se terminer avant Noël. Le discours du délégué des inscriptions et belles-lettres, Franz Cumont, consacré à « La romanisation de la Belgique dans l’Antiquité », ne manqua pas de développer le thème de l’opposition à la Germanie auquel on pouvait s’attendre, mais sans cela son exposé était de facture tout à fait classique et éloigné de l’actualité. Cependant par le choix de l’orateur, associé étranger et citoyen belge, l’Académie des Inscriptions avait voulu, Franz Cumont l’indique lui-même, rendre spécialement hommage à la Belgique. (Il est rarissime qu’un associé étranger prenne la parole ainsi lors d’une rentrée solennelle).
Lire la suite de l’introduction de M. Georges-Henri Soutou
La séance publique des cinq Académies du 25 octobre 1916, l’année de Verdun et de la Somme, n’eut […] rien d’« académique ».
Le président, Henri Joly, souligna toutes les diverses contributions de l’Institut et de ses membres à l’effort de guerre, par ses aides de toute nature, la mise à disposition de locaux, les travaux de laboratoire liés à la défense nationale, la propagande à l’étranger, etc.
Le comte Paul Durrieu, délégué des inscriptions et belles-lettres, narra l’histoire fort patriotique de Perrette Baudoche, jeune Messine ayant vécu au XIVe siècle, dont le nom évoquait si directement celui d’une autre Messine, Colette Baudoche, l’héroïne fameuse de Maurice Barrès.
L’ingénieur naval Louis Bertin, délégué de l’Académie des sciences, raconta les différentes phases de l’affrontement naval anglo-britannique en Mer du Nord depuis le début des hostilités, culminant avec la bataille navale Jutland, à la fin du mois de mai précédent.
Théophile Homolle, de l’Académie des beaux-arts, prononça un discours sur « La sculpture et la guerre », parfaitement dans la note.
Lire la suite de l’avant-propos de M. Georges-Henri Soutou
L’automne 1917 fut sinistre. L’échec sanglant de l’offensive Nivelle en avril, la crise ensuite de l’Armée en mai-juin (même si à l’époque l’étendue de celle-ci, conduisant parfois à de véritables mutineries, fut soigneusement cachée au public), l’échec de la dernière offensive russe en juillet, qui devait d’ailleurs contribuer à provoquer la révolution bolchevique en novembre et la sortie de la Russie de la guerre, la fatigue et les privations d’une population tendue à l’extrême dans un effort épuisant, tout cela contribua à un climat de pessimisme, parfois de défaitisme. Au Parlement les intrigues se multipliaient. Ribot tombait en septembre, remplacé par Painlevé (un autre membre de l’Institut), qui tombait lui-même en novembre, à la suite d’une série d’affaires de trahison et à cause du manque général de fermeté de son gouvernement. C’est ce qui permit à Clemenceau d’arriver au pouvoir. Le redressement de l’esprit public allait suivre, mais à l’automne 1917 Poincaré considérait qu’un tiers des députés auraient été prêts à accepter une paix blanche.
Lire la suite de l’avant-propos de M. Georges-Henri Soutou
Le 4 octobre, le Reich avait demandé au président Wilson d’ouvrir des négociations en vue d’un armistice. Celui-ci ne fut signé que le 11 novembre, mais la victoire était acquise pour les armées alliées, en pleine offensive et qui avaient déjà largement libéré les régions envahies. Le discours triomphant du président de l’Institut, Paul Girard, le 25 octobre, témoigne du soulagement éprouvé par les contemporains. Henri Welschinger, délégué de l’Académie des Sciences morales et politiques, consacra son discours, évidemment tout à fait de circonstance, à « Un académicien alsacien : Jean-Stanislas Andrieux (1759-1833) », dont il soulignait qu’il était le seul Alsacien que l’Académie française ait compté jusque-là dans ses rangs. Le représentant de l’Académie des Sciences, Charles Richet, exposa ce qui avait suscité de grands progrès de la médecine et de la chirurgie pendant le conflit : « L’anesthésie dans les blessures de guerre ».
Lire la suite de l’avant-propos de M. Georges-Henri Soutou
La dernière séance solennelle du temps de guerre (rappelons que le Parlement venait de ratifier, le 12 octobre, sans enthousiasme d’ailleurs, le traité de Versailles, mais que juridiquement la paix ne fut rétablie que lors de l’entrée en vigueur du traité, le 10 janvier 1920), fut un peu en demi-teinte par rapport aux précédentes. Certes, le président de l’Institut, Léon Guignard, marqua les acquis de la victoire, dans ce style convenu qui était caractéristique de la mobilisation de ses confères depuis 1914 :
Lire la suite de l’avant-propos de M. Georges-Henri Soutou