Dans l’Est de la France, de nombreux monuments commémoratifs rappellent la douleur de l’amputation de 1871 et constituent autant de lieux de pèlerinage, notamment celui de Mars-la-Tour, où le 16 août 1870, se déroula une sanglante bataille. Situé à moins d’un kilomètre de la frontière franco-allemande, la commune de Mars-la-Tour vit se dérouler chaque année, entre 1871 et 1914, à la date du 16 août, d’importantes cérémonies commémoratives rassemblant des habitants venus des territoires français et allemands.
Dans Mgr Turinaz prêchant à Mars-la-Tour, Alphonse Monchablon représente l’événement sous une forme hautement allégorique. Monseigneur Turinaz ayant été évêque de Nancy de 1882 à 1918, le tableau date probablement des dernières années du XIXe siècle. Au pied de l’autel, deux jeunes femmes en costumes alsacien et lorrain traditionnels, écoutent attentivement le prélat en se tenant par le bras. On aperçoit à l’arrière-plan le monument aux morts dû au sculpteur Frédéric-Louis-Désiré Bogino, inauguré dès 1875.
Ce tableau est reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’évêché de Nancy, où il est actuellement conservé, et grâce à qui nous avons pu en obtenir une image numérique.
Auguste Bartholdi (Colmar, 1834 – Paris, 1904) a multiplié, dans l’espace public, d’imposants témoignages de son attachement à une Alsace indéfectiblement française : en 1880, le Lion de Belfort ne célèbre pas seulement l’héroïsme des défenseurs de Belfort en 1870, mais constitue aussi, selon Bartholdi lui-même, « un hommage au patriotisme alsacien. »
Sur les cartes de France accrochées dans les classes des écoles primaires, l’Alsace-Lorraine apparaît en gris, comme si, sur le plan topographique, les deux régions arrachées à la France par le traité de Francfort n’étaient pas tout à fait rattachées au Reich.
Tandis que l’imprimerie fondée en 1796 à Épinal par Jean-Charles Pellerin diffuse massivement des images populaires, dites Images d’Épinal, les gravures de Gustave Doré, né à Strasbourg en 1832, illustrent la Bible, les Contes de Charles Perrault ou encore les Fables de la Fontaine, évoquant avec sensibilité traditions populaires et sublimes paysages d’Alsace.
Le très talentueux Jean-Jacques Waltz (1873-1951) croque de manière caricaturale, sous le pseudonyme de l’Oncle Hansi, dans trois superbes albums traduits en français chez Floury – Professor Knatschke (1912), L’Histoire de l’Alsace (1912) et Mon Village (1913) – l’occupation de sa terre natale par des pangermanistes barbares. Les ouvrages de Hansi sont, sur le plan graphique, magnifiques, mais donnent de l’Alsace une image lisse, immuable, quasiment intemporelle.
Le 6 décembre 1903, à l’occasion d’un grand discours prononcé par Jean Jaurès à la tribune du Parlement en faveur du désarmement, le supplément illustré du Petit Journal, un quotidien populaire à fort tirage, publie une gravure très critique à l’égard du tribun socialiste. La figure de la Patrie, qui ressemble à la Marseillaise de Rude, l’apostrophe en lui présentant l’Alsace et la Lorraine captives : « La plaie saigne toujours monsieur Jaurès ! » Au premier plan, deux jeunes femmes, en habits régionaux traditionnels, éplorées, sont encadrées par un officier prussien aux moustaches en crocs, plein de morgue, un sabre nu dans ses mains, et par un soldat barbu menaçant, qui tient un fusil, tous deux coiffés du casque à pointe. À l’arrière-plan, des combats de cavalerie rappellent les affrontements sanglants de 1870, et, à l’horizon, se dresse la flèche de la cathédrale de Strasbourg sous les bombardements.
Joseph Aubert (1849-1924) peint « Les protestataires. L’Alsace et la Lorraine » en 1920 pour le musée de l’Armée. Cinquante ans après le traité de Francfort, au moment où l’Alsace redevient française, le peintre représente rétrospectivement la brutalité de Bismarck à l’égard de l’Alsace, symbolisée sur le tableau par une jeune Alsacienne en costume traditionnel sous les protestations de Gambetta et de généraux français. Le tableau a probablement été détruit par les Allemands en 1940.