DEVENIR MÉCÈNE

Conclusion : Charles Percier « hors les murs »

« Ils nous ont fait pleuvoir les maisons romaines, si bien que nous n’avons plus vu partout que des toits en terrasse, des balcons en tuiles creuses et des portiques promptement délabrés par le brouillard de Paris ». L’italophilie de Percier et Fontaine a fait florès au point d’inspirer à Viollet-le-Duc ce constat quelque peu irrité. II est vrai que Percier, maître révéré, transmit son enthousiasme pour l’Italie à ses nombreux élèves, dont certains promis à exercer eux-mêmes une influence appréciable. Et Viollet-le-Duc d’ajouter pour faire bonne mesure : « De plus, des milliers d’ouvrages sur les casins et maisons de Rome, de Gênes, de Florence, ont encombré les marchands d’estampe ». En effet, les plus proches disciples de Percier, François Debret, Hippolyte Lebas et Achille Leclère, pour ne citer qu’eux, publièrent à leur tour des recueils de modèles italiens.

Une influence considérable donc pour un personnage singulier. Austère et volontiers solitaire, tel qu’il apparaît avec « dans sa démarche et son maintien, quelque chose de la tenue militaire » et vêtu « de son costume, qui était le même en toute saison, et qui ne varia jamais durant un demi-siècle » mais ne voulant pas quitter son logement au Louvre de peur que ne s’amenuisent les visites, et les hommages, qu’il a coutume d’y recevoir ; auteur du décor de Notre-Dame pour le sacre de Napoléon, mais acceptant de travailler dans l’ombre de Fontaine, nommé seul architecte de l’Empereur ; largement adonné aux arts décoratifs, avec finalement peu de bâti à son actif, mais très prestigieux professeur d’architecture, entré à ce titre à l’Institut. En l’absence d’archives personnelles, la figure de Percier échappe, comme son œuvre s’affranchit des catégories.

Ce qui est certain, c’est qu’il fut un dessinateur d’exception. Figurant pour leur grande majorité dans des volumes soigneusement organisés et reliés sous sa direction, aujourd’hui conservés à la bibliothèque de l’Institut, ses dessins en apportent la preuve limpide. Ils constituent un fonds de quatorze recueils, dont dix dédiés à son voyage en Italie, soit 2490 dessins parmi lesquels 1300 de la seule Rome et du Vatican. À un premier ensemble légué en 1838 par leur auteur à l’Académie des beaux-arts puis déposé à la bibliothèque, vinrent s’ajouter divers dons des élèves auxquels, comme il était de tradition, il en avait distribué une partie.

Une autre coutume, toujours en usage, illustre bien la permanence de l’aura de Percier auprès des architectes : la transmission d’une bague, reçue de Julien David Leroy, membre de l’Académie d’architecture, qui l’avait parrainé pour qu’il puisse se présenter au grand Prix ; bien plus tard, lui-même la légua à l’un de ses élèves, en signe d’amitié et au fil du temps, la bague de Percier, puisque c’est ainsi qu’elle est connue, gage d’un talent reconnu par ses pairs, passa d’ « habile architecte » en « habile architecte » à condition toutefois qu’il fût aussi « honnête homme ». Décidément, l’injonction qu’il s’adressait dans sa jeunesse : « Travaille, tu es presque romain », a porté ses fruits et le souvenir de Charles Percier demeure lié à l’Italie car le chaton de la bague, une intaille en cornaline, pourrait bien être le portrait de Marciana, sœur de l’empereur Trajan.

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