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7 janvier 1971 : Création du ministère de la Protection de la nature et de l’environnement

France Mémoire - 7 janvier 2021

Sous la présidence de Georges Pompidou, la France se dote d’un ministère dédié aux questions environnementales.La spectaculaire croissance des
Trente Glorieuses soulève des questions inédites.
Les pouvoirs publics décident de s’en emparer. Au fil des ans, cette institution va élargir de façon considérable son champ d’action.
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7 janvier 1971 : Création du ministère de la Protection de la nature et de l’environnement

Lors du remaniement du 7 janvier 1971, Robert Poujade reçoit un portefeuille sans précédent : il est nommé ministre délégué auprès du Premier ministre, Jacques Chaban Delmas, chargé de la Protection de la nature et de l’environnement. En 2021, après plusieurs métamorphoses institutionnelles, cette entité est devenue le ministère de la Transition écologique, l’un des plus importants du gouvernement. Que s’est-il passé en cinquante ans ?

De 1971 à 1978, puis de 1981 à 1997, on ne parlait que du ministère de l’Environnement. Il occupait une place souvent modeste dans la hiérarchie gouvernementale. Son action se centrait sur les compétences originelles : la protection de la nature et des paysages, l’eau, les risques naturels ou industriels, les économies d’énergie à partir du choc pétrolier de 1973. On y ajoutait la qualité de la vie.

L’expérience de la fusion avec le ministère de l’Equipement dans un unique ministère de l’Environnement et du Cadre de vie (1978-1981) resta éphémère. Elle suscita une implication durable dans les questions urbaines (la qualité de la vie ) et une lutte qui déboucha sur le retour d’un ministère de plein exercice, dix ans après.

Depuis le début des années 1990, le ministère a fortement accru sa place dans l’appareil d’Etat. De nouvelles appellations ont marqué l’extension vers des compétences de plus en plus globalisantes: l’aménagement du territoire puis la cohésion des territoires, l’écologie et le développement durable, l’énergie et, depuis 2017, la transition écologique.

Le ministère s’est doté de services déconcentrés plus puissants, surtout par agrégation de services régionaux préexistants. De même, des agences plus importantes se sont constituées en regroupant des établissements plus sectoriels : les déchets, la maîtrise de l’énergie et la qualité de l’air dans l’Ademe (1999), la pêche, les milieux aquatiques, la chasse et la biodiversité dans l’Onema (2007) puis dans l’Office français de la biodiversité (2019), les risques induits par l’exploitation des matériaux et par le développement de l’usage de produits chimiques (l’Ineris en 1990). D’autres agences ont élargi leurs interventions à des domaines concernant la transition écologique, tels que les énergies renouvelables (CEA, IFP), la biodiversité (Inrae) ou la ville durable (Cerema).

Depuis 2007, la fusion des anciens ministères chargés de l’environnement, de l’équipement et de l’énergie a provoqué le regroupement de services différents, parfois antagonistes, issus d’une histoire administrative souvent ancienne, dans des directions générales (énergie et climat, infrastructures de transport et mobilité, prévention des risques, aménagement,

logement et nature) et au Commissariat général du développement durable (CGDD). Le Conseil général des ponts et chaussées, dont l’origine remonte à 1747, est devenu le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), dont dépend le Comité d’histoire. Cette évolution a conduit au pilotage d’un pôle ministériel complexe par un Secrétariat général, qui apporte en 2021 son soutien à trois ministères : la Transition écologique, la Cohésion des territoires et les relations avec les collectivités territoriales, la Mer.

Robert Poujade © Wikicommons

La dynamique internationale et communautaire

A partir de la fin des années 1970, la politique environnementale française a été fortement poussée par le développement des directives européennes et par la dynamique multilatérale de grandes conventions internationales.

Comme l’environnement est devenu une compétence communautaire, une bonne partie de la législation et des stratégies d’action françaises a consisté à adapter au contexte national des directives sectorielles ou des directives cadres. Cela a concerné notamment la protection de la nature (le réseau Natura 2000, la biodiversité), la promotion des énergies renouvelables, des transports collectifs et de la performance énergétique des bâtiments, le passage de la politique des déchets à l’économie circulaire, la durabilité des comportements de production et de consommation, la gestion des ressources en eau et la lutte contre les pollutions, les questions de santé environnementale (lutte contre la pollution de l’air, les produits chimiques, les plans nationaux santé-environnement, les nuisances phoniques), la prévention des catastrophes naturelles et des risques industriels.

La dimension planétaire des questions d’environnement avait été affirmée dès la conférence de Stockholm de 1972. Elle a débouché sur la protection de la couche d’ozone, la démarche du développement durable à partir de la conférence de Rio de 1992, la convention cadre de l’ONU sur le changement climatique depuis 1990, les approches multilatérales de la biodiversité.

Enfin, des actions de mobilisation ont été menées par les organisations non gouvernementales, lors de campagnes de communication du ministère et de ses agences, par la présence territoriale des associations environnementale, par des mesures successives de renforcement de la démocratie environnementale et de concertation partenariale, comme dans le Grenelle de l’environnement et, plus récemment la convention citoyenne sur le climat. Plusieurs sujets sociétaux ont fait l’objet de controverses territoriales, nationales ou internationales depuis l’origine du ministère.


Patrick Février, secrétaire délégué du Comité d’histoire ministériel

© DR
© Wikicommons

Pour aller plus loin​

1970 : L’affirmation d’une sensibilité nouvelle

La création du ministère de l’Environnement ne surgit pas ex nihilo. De nombreuses initiatives précèdent cet événement. Elles témoignent d’une prise de conscience. En 1970, les mesures se bousculent. Sur le plan européen, l’année est dédiée à la protection de la nature. En France, le conseil des ministres décide en février de créer une Direction générale de la Protection de la nature, sous la tutelle du ministère de l’Agriculture. En juin, il examine un premier programme, « 100 mesures pour l’environnement », issu d’une expérience participative. Ce documentaire diffusé le 4 avril 1970 évoque différentes problématiques : le bruit, la pollution de l’air, la pollution des eaux (mers, lacs, rivières), la protection de la faune et de la flore, etc.

Rencontre avec le ministre Robert Poujade

Le 8 janvier 1971, le journal télévisé de 13 heures diffuse un entretien avec Robert Poujade qui vient d’être nommé ministre de l’Environnement. L’homme politique s’exprime sur la création de ce portefeuille : “C’est une tâche qui est apparue à la fois comme nouvelle et très nécessaire. ” Il esquisse quelques chantiers prioritaires. 

En 1975, Robert Poujade publiera Le Ministère de l’impossible pour raconter son expérience de pionnier (1971-1974). Il partagera ses convictions, ses combats et ses désillusions, notamment sur le manque de moyens accordés à sa mission et les nombreux obstacles rencontrés. Ce gaulliste continuera sa carrière politique comme maire de Dijon et député de Côte d’Or.

Quand Louis de Funès parle de la protection de la nature

Dans la série « La France défigurée », l’acteur Louis de Funès s’exprime sur la protection de la nature. Il se dit « très sensibilisé » sur le sujet « comme beaucoup de monde. » Il cite le commandant Cousteau en expliquant que cette cause est la seule qui vaille la peine de défiler dans la rue. Ailleurs, il raconte comment il cultive son jardin en agriculture biologique.

Actualités

Une plateforme pour comprendre des évolutions majeures

Le ministère de la Transition écologique (Direction de la communication, Comité d’histoire ministériel) publiera sur son site une plateforme numérique rappelant l’essentiel de l’évolution des politiques publiques environnementales pendant un demi-siècle. Elle proposera des liens vers des documents fournis par les Archives nationales et par l’Institut national de l’audiovisuel (Ina). Les approches thématiques concerneront la préservation de la planète, la consommation et la production durables, la santé environnementale, la mobilité durable, la préservation des ressources naturelles, la mobilisation de l’opinion et des décideurs, l’habitat durable et la prévention des risques.

 

Une journée d’étude sur les « années Poujade » Avril 2021

L’Institut Georges Pompidou, en liaison avec l’Association pour l’histoire de la protection de la nature et de l’environnement (Ahpne) et le Comité d’histoire ministériel, prévoit, pour avril 2021, une journée d’études consacrée aux « années Poujade », du nom du premier ministre de l’environnement, récemment décédé.

Un colloque sur une expérience participative menée en 1970

Des chercheurs, membres du Conseil scientifique du Comité d’histoire, de l’Ahpne et du Réseau universitaire de chercheurs sur l’environnement (RUCHE), ont conçu un colloque scientifique consacré à l’expérience participative des « 100 mesures pour l’environnement » menée en 1970, avec les moyens de communication de l’époque et sur la base d’un rapport de Louis Armand. Ces mesures avaient été adoptées par le gouvernement six mois avant la création du ministère de l’environnement. Un regard rétrospectif portera sur l’évolution de certaines de ces mesures. Ce colloque se tiendra aux Archives nationales, le 9 juin 2021

Une exposition itinérante

Le centre interdisciplinaire de recherche sur l’écologie (CIRE), le Musée du vivant d’AgroParistech et l’Ahpne montent une exposition mobile, sous la forme de panneaux, consacrée à la façon dont on peut faire l’histoire d’un ministère tel que celui de l’environnement. Cette exposition mettra en valeur, par exemple, l’importance des niveaux de décision internationaux et communautaires, le rôle de la société civile, etc.>

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